Une autorité climatique mondiale : la dernière chance de sauver la planète ?
Face à l’urgence climatique, les appels à créer une autorité climatique mondiale se multiplient. L’idée : instaurer un organisme supranational doté de pouvoirs réels pour coordonner, imposer et faire respecter les politiques environnementales à l’échelle planétaire. Dans un contexte d’échec répété des accords non contraignants, certains y voient une nécessité. D’autres, un danger pour la démocratie ou la souveraineté des États. Alors, solution radicale ou dérive technocratique ? Chez Supercritic nous tentons de poser les choses.
Le climat, un défi global qui échappe aux États
Chaque année, les rapports du GIEC sont plus alarmants. Et chaque année, les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur ascension. Malgré les sommets climatiques successifs (COP21, COP26, COP28…), aucun mécanisme mondial réellement contraignant n’existe aujourd’hui pour obliger les États à tenir leurs engagements. Résultat : chacun agit à sa manière, selon ses moyens, ses priorités politiques ou ses lobbies internes.
Face à cette désorganisation, l’idée d’une autorité climatique mondiale refait surface. Elle serait chargée de :
- fixer des objectifs climatiques précis, en fonction des responsabilités historiques et des capacités de chaque pays,
- surveiller et sanctionner les États qui ne respectent pas leurs engagements,
- coordonner les politiques industrielles, énergétiques, agricoles à l’échelle planétaire.
En fait, « Le climat n’a pas de passeport, mais la gouvernance climatique reste enfermée dans les frontières », déplore Laurence Tubiana, architecte des Accords de Paris. Une autorité mondiale aurait donc pour mission de sortir l’action climatique de l’arène géopolitique, pour en faire un bien commun global.
Autorité climatique mondiale : une solution qui suscite autant d’espoirs… que de craintes
Pour ses défenseurs, une telle autorité permettrait enfin de passer du volontariat à l’obligation. Ainsi, à l’image de ce que fait déjà l’OMC pour le commerce ou la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre. Sans force juridique ni pouvoir de contrainte, les COP resteront des vitrines politiques inefficaces. Mais cette idée soulève de nombreuses questions.
Premièrement, une interrogation peut venir sur la légitimité et la souveraineté
- Qui élirait ou nommerait les membres de cette autorité ?
- Serait-elle dominée par les grandes puissances ?
- Les pays du Sud, souvent les premières victimes du dérèglement climatique, y auraient-ils une voix équitable ?
Deuxièmement, on ne peux pas faire l’économie d’une réflexion sur le risque de dérive technocratique
Une autorité trop centralisée pourrait imposer des normes environnementales déconnectées des réalités locales, sociales ou économiques. Interdiction brutale de certains types d’énergies ? Taxation carbone uniforme ? Cela pourrait aggraver les inégalités.
Troisièmement, comment parer le la réaction de rejet
Dans un monde marqué par la montée des souverainismes et des résistances aux normes mondiales (retrait des États-Unis des Accords de Paris sous Trump, refus de certains pays de coopérer avec l’OMS…), imposer une gouvernance climatique planétaire pourrait susciter de violentes oppositions politiques.
Vers quelle forme d’autorité climatique mondiale ?
Plutôt qu’un « gouvernement mondial du climat », plusieurs pistes sont envisagées :
- Renforcer les institutions existantes : on pourrait donner à l’ONU Climat (CCNUCC) un pouvoir de sanction, comme le retrait de financements internationaux, ou la taxation des pays non coopérants. Ou bien encore, créer un tribunal climatique international, chargé de juger les crimes environnementaux (écocide, extraction illégale, non-respect des accords).
- Créer une instance multilatérale spécialisée : Une Autorité climatique mondiale indépendante, composée de scientifiques, d’experts et de représentants démocratiquement désignés. Elle pourrait produire des lois climatiques contraignantes et les faire appliquer à travers des mécanismes incitatifs ou coercitifs (subventions, sanctions douanières…).
- Approche coopérative et régionale : il semblerait intéressant de développer des pactes climatiques régionaux (UE, Afrique, Asie du Sud-Est) connectés entre eux par une gouvernance mondiale légère mais coordonnée. En outre, cela permettrait de respecter la diversité des contextes tout en assurant un socle commun d’action.
Le climat exige une autorité… mais laquelle ?
L’idée d’une autorité climatique mondiale peut effrayer. Elle heurte les logiques de souveraineté, inquiète par son potentiel autoritaire, et suscite la méfiance dans les sociétés déjà défiantes vis-à-vis des élites globales. Mais peut-on affronter une crise planétaire sans réponse planétaire ?
À défaut de sauter vers un gouvernement climatique mondial, il est sans doute temps de franchir une étape intermédiaire : créer des règles mondiales réellement contraignantes, et des institutions capables de les faire respecter. L’avenir du climat ne dépend peut-être pas d’une autorité toute-puissante, mais d’une gouvernance collective, transparente, et solidaire. Et il y a urgence.