La transition sans innovation : un scénario possible ?

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L’acceptation du changement climatique

Bien que le changement climatique soit factuellement prouvé, force est de constater qu’il n’est pas si facile que cela de l’admettre. Les rapports du GIEC démontrent qu’il existe des solutions, et pourtant nous avons du mal à nous y projeter. En fait, la plupart des discours actuels associent étroitement la transition écologique à l’innovation, au fait de trouver des solutions pour aider. Certains vont plus loin, ils défendent que la tech trouvera forcement un solution miracle. Ce discours sous-entend qu’il n’est pas nécessaire de faire des efforts. Mais bon nombre de scénarios prospectifs, comme ceux de l’ADEME, envisagent aussi une transformation basée sur des changements de comportements. En fait, ils se basent sur la sobriété et la coopération territoriale, sans dépendre exclusivement des innovations technologiques majeures. C’est pourquoi, chez SUPERCRITIC nous avons voulu approfondir cette voie de « la transition sans innovation ». L’idée consiste à explorer la possibilité d’une évolution écologique fondée principalement sur la sobriété. Ainsi que sur la réorganisation sociale et la frugalité, plutôt que de compter sur les seules avancées technologiques.

Contexte : une explosion des émissions de CO2 depuis 1970

Pour commencer, il me semble essentiel de rappeler le contexte. En fait, avant toute chose, il faut comprendre la notion de l’emballement des émissions de carbone au cours des 50 à 60 dernières. Effectivement, depuis 1970, les émissions mondiales de CO₂ ont connu une croissance spectaculaire. En 1970, la planète émettait environ 20,5 milliards de tonnes de CO₂ (toutes sources confondues). Ce chiffre est monté à environ 38,3 milliards de tonnes en 2010. Et il atteint aujourd’hui près de 42 milliards de tonnes en 2024, soit un doublement en un demi-siècle. (Source Notre Planète).

  • Entre 1970 et 2024, les émissions mondiales de CO₂ ont donc augmenté d’environ 100%.
  • En 2019, les huit premiers pollueurs mondiaux émettaient ensemble plus de 24 milliards de tonnes de CO₂, contre 10,5 milliards en 1970, soit une hausse de 130%. (Source Statista)
  • Cette envolée concerne surtout l’Asie, notamment la Chine, aujourd’hui premier émetteur mondial avec plus de 11 milliards de tonnes de CO₂ par an. L’Inde a vu ses émissions grimper de plus de 300% sur la même période. (Source Statista)

Les émissions carbone de la France baissent

En parallèle, la France, a connu depuis 1990 une baisse de ses émissions carbone. Mais ne nous réjouissons pas trop trop vite, car en réalité, les choses sont plus complexes. Notre pays a déplacé une part croissante du contenu carbone de sa consommation à l’étranger avec les importations. En fait, c’est notre désindustrialisation qui a servit ce résultat. L’empreinte carbone française a ainsi baissé seulement de 13% depuis 1990 malgré une baisse de 31% des émissions nationales.

Par conséquent, ces données traduisent l’urgence et la difficulté d’infléchir durablement la trajectoire mondiale des émissions. Car elle reste étroitement liée à la croissance économique, à la mondialisation et aux modes de vie contemporains. Les changements vont devoir être systémiques. Et comme disait Albert Einstein, « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui a généré le problème ».

Les scénarios existants de la transition sans innovation

Alors, je vous propose de faire un tour d’horizon des pistes le plus communément proposés :

– Génération frugale : sobriété et réorganisation sociétale

Pour commencer, ce piste privilégie la réduction volontaire de la demande énergétique, des matières et des ressources. En fait cette piste met l’accent sur la transformation des modes de vie plutôt que sur l’innovation technologique. Par exemple, dans certaines villes, la réorganisation urbaine se traduit par la création d’espaces verts, la promotion du vélo au détriment de la voiture. Où bien encore, dans ces villes, ils transforment des bâtiments vacants en résidences principales, créent des centres culturels sobres comme le pôle de Cornebarrieu (architecte Philippe Madec).

Plus précisement, les mesures possibles pour cette solution, incluent la limitation des vols intérieurs, la baisse des limites de vitesse sur route, ou une alimentation majoritairement locale. La technologie « low-tech » est favorisée. Cette sobriété peut être soutenue par des politiques coercitives comme les quotas d’énergie, ce qui pose des défis d’acceptabilité sociale.

– Innovations organisationnelles et adaptation des modes de vie pour une transition sans innovation

En outre, ce scénario repose davantage sur des changements dans les pratiques collectives, comme la gouvernance et l’économie circulaire que sur des ruptures technologiques. Par exemple, certaines entreprises et organisations mettent en place des solutions de gestion collaborative des ressources. Elles développent la symbiose industrielle où les déchets d’une industrie deviennent la matière première d’une autre.

En fait, sur le plan écologique, cette hypothèse défend les innovations sociales comme le recours aux abeilles pour mesurer la pollution (Beeodiversity), l’aquaculture durable sans impact environnemental (Lisaqua). Ou bien encore, elle met en avant les emballages en cellulose pour remplacer le plastique (Impact Group), la valorisation des déchets verts en granulés énergétiques (MELIA). En somme, il s’agit d’une approche organisationnelle et circulaire. Enfin pour que cette solution soit complète, elle vise en amont à réduire la consommation des ressources afin de limiter la production de déchets.

– Innovations de rupture et transformation industrielle

Cette troisième hypothèse, défend une voie plus médiane. La transformation radicale du tissu industriel passe par des technologies capables de révolutionner les procédés. Car souvent, elles sont jugées indispensables pour atteindre la neutralité carbone à long terme. Dans ce cas, nous ne revenons pas au techno-solutionnisme, mais plutôt, dans une solution où la technologie permet d’amplifier l’offoert de l’humain. Avec par exemple, le développement de l’hydrogène bas carbone. Qui remplace en l’espèce les énergies fossiles dans l’industrie lourde. Ou l’utilisation de biomasse pour produire de la chaleur haute température dans la chimie et la construction.

En outre, des progrès majeurs incluent :

  • l’électrification de procédés industriels (ex : fours électriques pour le secteur métallurgique)
  • l’invention de nouveaux matériaux (ciments bas carbone comme ceux développés par Vicat)
  • Et l’intégration de panneaux solaires avancés ou de pompes à chaleur innovantes pour le bâtiment.
  • Enfin, certains projets combinent capture et valorisation du CO2. On pense notamment à la production de microalgues à partir de la chaleur fatale et des émissions de cimenteries. Cela viserait une fermeture des cycles de matière.

Limites et débats possibles au sujet de la transition sans innovation

En fait, bon nombre d’experts estiment que la transition sans innovation technologique est possible. Mais qu’elle impose de forts changements politiques et culturels. Par conséquent, elle va contraindre à des transformations massives des usages, des habitudes de production et de consommation.

D’autres soulignent que l’innovation reste centrale, voire incontournable, pour respecter les engagements climatiques et assurer une transition efficace et socialement acceptable. Désormais, force est de constater que la solution technologique miracle qui résoudra tout sans effort, est vraiment peu probable. Par contre, l’idée que chacun doit prendre en main sa destinée, en agissant semble plus intéressante à bien des niveaux. Tour d’abord, il n’est jamais bon de subir une situation et agir permet déjà d’aller un peu mieux. Enfin, pour conclure sur notre thème de la transition sans innovation, il semble particulièrement intéressant de combiner efforts collectifs, afin suppressions de nos excès, avec des solutions techniques qui permettraient d’amplifier l’impact de chacun de nos impacts.

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